Publié par lUniversité Américaine en Bulgarie (AUBG), 2700 Blagoevgrad.
Sur internet à ladresse suivante : http://www.aubg.bg
Imprimé en Bulgarie, décembre 2001.
Couv. illustrations : théâtre de la gaité http://www.unibail.com/fr/cc_fiche_gaite.html
Masques de la comédie
et de la tragédie (tatouage) http://www.bluewitch.com/tattoos/flash17.htm
Table des matières :
Portail du théâtre theo http://www.theotheatre.com/PORTAILTheoTheatre.htm
PREFACE
Je suis heureuse de vous retrouver pour la deuxième publication
de la classe de Littérature Française de lUniversité Américaine en Bulgarie. Notre cours portant sur le théâtre français contemporain,
vous allez découvrir au fil de ces pages des pièces en un acte produites par les étudiants de la classe Mll 415a. Chacun était
libre de choisir le genre et le sujet de sa pièce, les seules restrictions étaient dordre méthodologique et technique sur
lécriture dun seul acte. Ces pièces ont été classées par ressemblance à un style ou une époque de la chronologie du Théâtre
Français contemporain, marquée par les citations dauteurs francophones.
La particularité, ce semestre, est que nos cours se sont déroulés
pour la première fois en langue française uniquement et notre nouvelle production est donc entièrement en français. Je tiens
à rappeler ici que nos étudiants ne sont ni des spécialistes de la littérature ni du français mais des amateurs de la culture
française ainsi vous voudrez bien excuser les imperfections de ces pièces.
A loccasion de cette première publication en français des éditions
AUBG, jaurai une pensée toute particulière pour la francophonie et les personnes qui encouragent la langue et la culture francophone
autour du monde. Les huit étudiants qui ont participé à cette publication sont de pays et de cultures diverses quils expriment
à travers leurs pièces, unies par la langue française. Je souhaite que vous preniez autant de plaisir que moi à découvrir
ces pièces en un acte et ces cultures.
C. Bontemps
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Dr Vernon Pedersen (Associate Dean) et Dr
Jonathan York (Division Chair) pour leur encouragements ; le département dAnglais pour son soutien financier ainsi que
Lydia Krise (service de la scolarité) pour son aide technique.
Merci à Corina Bodea pour son assistance par informatique et un
merci tout spécial à la classe de littérature française (Mll 415a) pour leur participation.
« () Elle n'avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien. Et elle n'aimait
que cela ; elle se sentait faite pour cela. Elle eût tant désiré plaire, être enviée, être séduisante et recherchée.
« Cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi.
J'aurai l'air misère, comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée. » () »
Alexandru Popovici
Sacré collier !
Liste de personnages
Francine Maillard,
20 ans, étudiante française, marié, dextraction bourgeoise
Gilbert Maillard,
23 ans, le mari de Francine
Maxine Lambert,
26 ans, avocate, amie des Maillards
Le banquier, bien
agée, le représentant de la Banque Populaire de la ville
Hommage à Guy de Maupassant
Laction se
passe en France. Cest un couple de jeunes mariés, encore étudiants, dextraction
bourgeoise mais dune situation matérielle moyenne.
Au fond, une
grande fenêtre à quatre vantaux dont deux sont restés entrouverts. Coté jardin, amorce dun vestibule non fermé auquel on accède
par deux marches. Coté cour, une porte. Plusieurs sièges, tables, piano.
Scène I
Francine Maillard, vingt ans, lair frais, dune élégance naturelle arpente la pièce et regarde le téléphone quelle vient
justement de raccrocher. Entre Gilbert en tenue de ville. Il est très pressé.
Gilbert : Francine, ma chérie ! Des nouvelles ?
Francine : Jai reçu un coup de téléphone de la part de Maxine Lambert.
Gilbert (amusé) : Toujours riche et heureuse ?
Francine (enthousiaste) : Elle va se marier. Elle nous a demandé de participer à ses noces!
Gilbert : Est-ce que tu lui as écrit une lettre de félicitation ?
Francine : Dès que jaurai reçu le faire-part.
Gilbert : As-tu pensé aux toilettes? Tu as tout ce quíl te faut ? (embrassant Francine) Jaimerais
que tu sois la plus belle, ma chérie. Pas pour éclipser la mariée, mais juste pour être la plus belle pour moi.
Francine : Jai une robe de voile rose à bretelles et un chemisier de
même couleur.
Gilbert: Mon chou, il te faudraun bijou.
Gilbert : As-tu pensé à en parler à Maxine ?
Francine : Cest une idée intéressante. Je vais lui demander de men prêter un Mais oui, ma foi je ny avais pas pensé.
Je vais lui rendre une visite. Je vais lui téléphoner tout de suite (elle reprend le téléphone) .
Scène II
Un appartement coquet en plein centre ville. Il est composé
dun rez-de-chaussée et dun étage. Au rez-de-chaussée la chambre damis avec une table et une canapé rouge et très moderne.
On y entre par la droite, où se trouve une porte vitrée surélevée par deux ou
trois marches. Au-dessus de la devanture est écrit Maxine Lambertavocate. Entre la chambre damis et le coté droit, la perspective
dune petite rue.
Francine sonne. La domestique ouvre la porte.
Francine (dune voix sûre) : Bonjour Mimi! Madame est là? Dis-lui sil te plaît que
je suis arrivée. (Lui donnant le parapluie) Quelle pluie minable ! Pas un rayon de soleil.
(Maxine arrive. Belle à croquer, très élégante, mais un
peu fatiguée.)
Maxine : Ma cocotte ! Quel bon vent tamène ?
Francine (lui donnant un baiser) : Maxine ! (Un peu mal à laise) Dune part, je veux te féliciter
personellement pour ton mariage (elle lembrasse avec affection), et dune autre, je voudrais te demander si tu peux
me prêter un de tes bijoux pour la noce
Maxine : Viens boire un café dabord, et puis nous te choisirons un bijou
! (elle conduit Francine vers le canapé au centre de la salle).
Francine : Tu as lair fatigué, il me semble...
Maxine : Un cas très difficile ma chère (en cachant son bâillement).
Francine : Tu prends les choses trop à cur, Maxine !
Maxine : Dis-moi, quelle sera ta toilette ?
Francine : Une robe de voile rose, et un chemisier de la même couleur. Je veux être belle pour ta noce (elle sourit
à Maxine, qui rit, egayée).
Maxine (prenant la boîte à bijoux dans ses mains) : Alors, je crois que ce collier tira à merveille !
Francine (en létudiant de tout près) : Mais, cest vraiment magnifique ! Cest tout à fait splendide. Il
reluit détincelles. Quinze émeraudes !
Maxine : Jaime beaucoup ce collier, Francine, il est dans ma famille depuis si long tempsJe suis sûre que tu en auras
grand soin.
Francine : Merci beaucoup, Maxine. Ne tinquète pas. Jen prendrai soin.
Milles fois, merci ! (elle le met autour de son cou, en se regardant enchantée dans le miroir de la boîte à bijoux).
Scène III
Le soir des noces. Lorchestre. Des couples dansant.
Francine (souriante) : Ah ! Je me sens renaître tout dun coup !
Gilbert : Tu ressembles à une jeune-fille qui découvre la douceur de vivre. Non, tu es une vraie princesse !
Le collier te va parfaitement. Il ne sera pas dit quon taura rien refusé ce soir.
Francine : Tu danses comme un elfe, tu sais (elle rit). (Tout en regardant le couple de jeunes mariés)
Que dis-tu des vedettes de la soirée ? Cest un couple assorti, nest-ce pas ?
Gilbert : Maxine est une merveille. Vraiment. Son mari a un air distingué avec un visage énergique, respirant la
franchise, lhonnêteté et un regard intelligentIls me plaisent, tous les deux !
Francine : Des manières et une élocution aisées. Il a un certain chic dans sa façon de shabiller, une élégance un
peu négligée
(Leur dialogue est interrompu par un jeune homme qui invite
Francine à son tour, à danser. Francine accepte. Quand elle revient, rougissante, elle ne porte plus le collier).
Gilbert : Francine, tu as mal ? Quest-ce quil sest passé ?
Francine : Je veux mempêcher de crier de rage. Je lai cherché dans chaque coin de la salle, dans le hall, sur les
escaliersRien ! Tu comprends ? Rien. Jai perdu le collier ! Je ne sais pas où ni commentIl a disparu tout simplement
Gilbert : Il manquait plus que ça ! Ne faisons pas de tapage autour du collier. Partons tout de suite.
Scène IV
L appartement modeste
de Gilbert et Francine, sept ans plus tard. Au centre de la salle, plusieurs chaises noires, autour dune grande table de la
même couleur. Le banquier, finissant sa dernière visite mensuelle, est en train de sen aller. Francine le reconduit à la porte.
Le banquier : Vous avez été mes meilleurs clients pendant ces sept ans. Je vous remercie encore une fois, et je ne
vous souhaite que du bonheur! Au revoir !(Il part).
Francine (elle ferme la porte soigneusement) : Nous avons donc sauvé les apparences Peu importe que trouver
un collier semblable à celui de Maxine nous ait coûté une hypothèque. Le plus
important cest que personne nait réalisé tout ce qui sest passé !
Gilbert : Cest vrai, nous avons passé des années difficiles. Lessentiel était de garder une bonne réputation. Nous
sommes restés dignes malgré cette hypothèque sur la maisonEt le collier que tu as acheté était la copie fidèle de celui de
Maxine. Elle ne sest jamais rendu compte de rien.
Gilbert (après un moment de silence): Mais sept ans de privations pour une sacré bijou ! Mais taisons-nous,
Francine ! Quand on parle du loup, il montre les oreilles ! Voilà Maxine.
Francine : Cest bien Maxine. (Elle soupire en ouvrant la porte) Comment ça va, Maxine ?
Maxine : Alors, bonjour mes chers ! (Elle entre, pose son sac
sur la table et va sassoir ) ça va bien, merçi, jai été très occupée avec
la maison toute cette année, vous le savez déjà. Nous avons tout changé maintenant!
Nous avons construit trois chambres de plus
Francine (feignant un grand intérêt): Avez vous pensé aussi à une
nouvelle chambre pour vos enfants ?
Maxine : Bien sûr, ma chère. Ils ont chacun besoin de leur propre espace. Hier nous avons choisi le papier peint
pour les chambres. Nous avons tapissé les murs avec de petits éléphants rosesAh ! Vous vous rappelez le collier démeraudes
que je vous avais prêté pour mes noces ?
Gilbert : Très bien Maxine, très bien, je tassure
Maxine (lair dégagé) : Il a disparu, il y a deux semaines.
Francine et Gilbert (tout dun coup) : Quelle perte immense ! Ça fait deux cent milles francs ! (Ils
se regardent, effrayés)
Maxine (en riant) : Pas du tout ! Cest vrai, cétait une très bonne imitationMais
enfin, il avait seulement une valeur sentimentale ! Le rideau tombe.
« Père Ubu : De par ma chandelle verte, le roi Venceslas est encore bien vivant ;
et même en admettant quil meure, na-t-il pas des légions denfants ?
Mère Ubu :
Qui tempêche de massacrer toute la famille et de te mettre à leur place ? »
Alfred Jarry, Ubu Roi.
Yekaterina Chzhen
Les avoués
et
les autres
Personnages :
Le Roi, quarante ans
Santine, sa sur folle, dix-sept ans
La Reine, trente-cinq ans
Monsieur Avocat
La Voix
Bonnouvelle
Chevalier de Boncur
Buron
Dupont
Mouront
Majordome
Scène
I
La salle luxueuse dun château royal, avec vue sur une rivière. Des meubles anciens, très riches, un trône très haut et
magnifique sont situés au milieu de la salle éclairée de la lumière douce des chandelles. La réunion secrète du Roi et de la Reine avec leur avocat qui vient de
retrouver les dernières volontés du roi précédent.
Le Roi, sérieusement : Monsieur Avocat, avez-vous étudié les documents ?
M. Avocat, avec beaucoup dimportance : Votre Majesté, les nouvelles sont mauvaises. Lenfant cadet du Roi Pépin
XII devait être lhéritier du royaume, pas vous !
La Reine, affolée : Lenfant cadet ?
Le Roi, à M.Avocat, très
agité: Donnez-moi ces papiers ! Je veux les voir moi-même. (En feuilletant les pages) Cest ça. Mais qui
les a écrits ?
M. Avocat : Lavocat du Roi Pépin, bien sûr !
La Reine : Pépin est mort depuis cinq ans déjà. Qui connaît son avocat ? Et comment pouvons-nous découvrir qui est son enfant cadet ? Pépin était un homme très vigoureux ! Six fils légitimes
et prés de dix fils illégitimes pour ceux que nous connaissons. Ca fait au moins trois candidats !
Le Roi : Donc, nous les disqualifierons tous les trois !
M. Avocat : Ils ne seront jamais au courant de cette volonté officielle de Pépin ! Je sais garder les secrêts
du royaume
Le Roi, linterrompant : parce que si vous ne les gardez pas, le bourreau soccupera
de vous.
La Reine : Les morts gardent bien les secrêts.
M. Avocat, avec respect: Vous avez raison,
comme toujours. Les morts ne parlent pas.
Soudain,
la scène séclaire dune lumière rouge, et une voix lugubre vient du dessous de la scène.
La Voix : Vraiment ?
La Reine, épouvantée : Mon Dieu !
La Reine vient de sévanouir.
Le Roi, assez calme, sans prêter aucune attention à La Reine : Qui êtes vous ? Qui est-ce qui vous a permis de vous introduire dans ma propriété privée
sans ma permission ?
La Voix, en riant : Je suis lavocat du Roi Pépin XII dont vous êtes en train de violer la volonté !
Le Roi, calme et sérieux : Pas encore. Au contraire,
nous sommes en train de discuter de comment nous exécuterons cette volonté !
M. Avocat : Mon collègue, il y a un sérieux problème dinterprétation. Nous ne savons pas exactement qui est ce prince héréditaire.
La Voix : Et comment le Roi Pépin peut-t-il le savoir ? Il a eu beaucoup de femmes dans son lit durant ce
siècle.
M. Avocat : Quest-ce que nous pouvons faire pour retrouver lhéritier?
La Voix : Organisez un concours. Celui qui le gagne, sera le roi légitime parce que ce prince est le plus
intelligent du royaume.
Le majordome frappe à la porte. Il introduit un messager de guerre.
Le
Majordome : Chevalier de Bonnouvelle arrivé
de la bataille de la Forêt Noire !
Bonnouvelle: Votre Majesté, nous avons perdu la bataille!
Le Roi, choqué: Quand ? Pourquoi ? Mais larmée du
Général Roland ?
Bonnouvelle: Détruite complètement.
Le Roi : Larmée du Prince Charles ?
Bonnouvelle: Dissipée. Ils ont fuit.
M. Avocat : Quel scandale !
La Reine se lève, encore étourdit.
La Reine : Messires ! Quest-ce qui se passe t-il ? Euh, que se passe-t-il ?
Le Roi, sans apercevoir la Reine : Et larmée du Vicomte
de Bonnchance ?
Bonnouvelle : Personne na survécu.
La Reine, nerveuse : Mais où est ce monstre ?
Bonnouvelle: Le Chevalier de Boncur savance avec une rapidité horrible!
La Reine, désorientée : Non, je parle de la voix, pas du chevalier !
La Voix, le lumière rouge séclaire encore une fois
et puis séteint : Je men vais. A bientôt !
Le Roi prend une carte géographique du royaume.
Le Roi: Curdebleu! Il faut que nous ayons un plan de défense. (A tous ) La réunion est suspendue. (Au majordome )
Invitez mes consultants militaires !
La Reine et M. Avocat sortent.
Scène II
La même salle. Buron, Mouront et Dupont entrent en marchant comme des soldats. Ils se
mettent lun près de lautre en rang devant le Roi.
Le Roi : La situation est critique ! Ce Chevalier de Boncur est prés de la ville. Vos suggestions, messieurs !
Buron : Nous pouvons mobiliser les officiers de police
Mourons, en linterrompant : et les paysans
Dupont, en linterrompant : et la noblesse pour nous défendre !
Le Roi et les consultants se mettent
à contempler la carte du royaume. Soudain, entre Santine en vêtements sales. Elle est gracieuse, maigre et grande.
Santine, très excitée : Mon frère ! Messieurs !
Je jouais avec mon petit chiot au jardin !
Le Roi, gentiment : Mon cher bébé, nous sommes occupés avec les
affaires du royaume. (Il caresse sa joue doucement.)
Santine : Oui, je comprends. (Gênée) Je suis si impolie ! Je men vais.
Au moment
où elle sort, entre Bonnouvelle.
Bonnouvelle: Pardonnez-moi, Votre Majesté, mais la situation sest détériorée. Le
Chevalier a pénétré dans le château ! Cest ce que les espions disent.
Le Roi, très agité : Attrapez-le donc! Quel est votre problème ?
Bonnouvelle: Personne na jamais
vu le visage du Chevalier de Boncur. On dit quil porte tout le temps un masque.
Le Roi, furieux: Ca mest égal ! Engagez mes espions, mes policiers,
mon armée !
Bonnouvelle: Les policiers sont occupés avec les gens de la ville qui paniquent.
Et larmée se bat avec celle de Boncur aux murs du château.
Le Roi saute
sur son trône en criant.
Le Roi : Canailles ! Et comment les gardes lont-ils laissé
entrer ? Cest absurde !
Bonnouvelle, indifférent: Ce
nest pas de ma faute. Votre Majesté, que dois-je annoncer aux gens de la ville ?
Le Roi, plus calme quavant : Annoncez lurgence. Il
faut que tout le monde aident nos soldats à défendre la ville. Ceux qui refusent seront punis comme traîtres sitôt la guerre
finie.
Bonnouvelle
sort, calme, comme toujours.
Le Roi : Messieurs, nous devons discuter en secrêt du futur
de notre royaume.
Tous les
quatre sortent.
Scène III
Entrent la Reine et M. Avocat.
Ils regardent autour deux avec prudence ; puis, ils sembrassent. Après ce court baiser, M. Avocat sinstalle sur le trône
du roi, et la Reine monte sur ses genoux maladroitement. A ce moment, Santine entre, inaperçue, et se cache derrière le trône.
La Reine, avec une larme pitoyable : Cest un cauchemar, cette guerre. (Elle le baise sur le front doucement) Quand
le Roi aura tous les candidats au trône, nous devons nous occuper de lui. (Ravie) nous gouvernerons
ensemble : toi et moi !
M. Avocat, inquiet : Ce nest plus la guerre entre nous et lui, cest
la guerre entre lui et le Chevalier de Boncur. Et quarrivera-t-il si les murs de la ville tombent ?
La Reine, assurée: Cest peu probable
parce que notre armée est la meilleure et nos murs sont les plus durs.
Santine, en se levant : Mais le Chevalier est déjà dans le château !
La Reine, tombe des genoux de M. Avocat lourdement : AAAh! (Très gênée) Santine, bébé, ce nest pas ce que tu penses.
Santine, épouvantée : Je ne pense jamais, ma sur. Je me cachais
de Boncur ici. Jai peur. On dit que ce Boncur viole les femmes et les enfants aussi ! (Elle sapproche de la Reine et crie directement à son oreille.)
Et personne na vu son visage !
M. Avocat : Exactement ! Nous avons peur aussi et nous essayons
de nous réconforter.
Santine, à voix basse, sans aucune émotion : Oui, oui, Votre Majesté. Je me trouverai un autre endroit hors du danger.
Elle sort vite.
M. Avocat : Mon Dieu ! Pourquoi est-elle si stupide ?
La Reine, ravie : Elle est adorable, tout le monde ladore
On entend un bruit de pas approchant
très vite. La Reine et M. Avocat se dirigent vers la porte de droite, pendant que le Roi et ses trois consultants militaires
entrent à gauche.
Dupont, à M. Avocat et à la Reine : Par lautorité du Roi vous êtes inculpés de trahison
Buron : Vous avez le droit de demander des avocats privés ou
civils !
Mouront : Et aussi
le droit de ne pas témoigner contre vous-même !
La Reine
vient de sévanouir.
Le Roi, tristement : Je suis mort. Ma femme ma trompé
et mon avocat ma trahi. Seule ma sur, folle, maime et me soutient.
M. Avocat, furieux : Vous navez aucune preuve !
Votre imbécile de sur a tout imaginé !
Le messager
entre très calme.
Bonnouvelle : Attention ! Les gardes viennent douvrir les portes
de la ville sur les ordres de la Princesse Santine. Larmée du Chevalier a pris la ville, faisant peu de victimes.
Le Roi, désolé : Mon pauvre bébé fou !
M. Avocat regarde plus assuré.
La Reine est encore étendue sur la scène. Les consultants semblent être choqués. Entre le Chevalier de Boncur portant un masque
de brute et un casque. Il est gracieux, maigre et grand. Il parle dune voix très jeune.
Boncur, calme et sérieux: Je voulais seulement réaliser la volonté
de mon père, le Roi Pépin. Monsieur Avocat la déjà détruite, mais mon armée de trois milles soldats a pris la ville,
et larmée royale ma rejoint aussi. Mon frère, vous êtes inculpé de trahison. Monsieur Avocat, le bourreau soccupera
de vous.
( Montrant
du doigt la Reine) Dupont, soulevez cette femme
malade et faites quelque chose pour quelle reprenne ses sens. Elle sera placée
à lhôpital, puis au monastère.
Tout les autres le regardent
stupéfiés. Après un instant, Dupont prend la Reine et la porte aux coulisses.
Boncur soulève son masque. Cest Santine.
Le Roi, marmonnant affolé : Lenfant cadette de Pépin Oui Cest toi (
Il prend sa couronne dans les mains et la presse contre son cur ) Non, je ne te donne pas ce qui mappartient.
Santine, ennuyé : Bien. Cest ton choix. (A voix haute) Arrêtez-le.
La scène séclaire de la lumière
rouge.
La Voix, effrayante : Ton père Pépin tattend.
La lumière sintensifie et on
ne peut rien voir pendant 20 secondes. Quand la lumière séteint, le Roi nest plus là. Santine prend la couronne et la place
sur sa tête.
Santine, tristement : Cest la justice pour les fous.
M. Avocat, prudemment :
Votre Majesté, peut être avez-vous besoin dun bon avoué vivant, avec
un CV impressionnant ?
Rideau.
Valentine.
Eh bien, adieu.
Treille. Ah !
cest toi, tu ten vas. Eh bien, adieu.
Valentine.
Tu nas rien à me dire ?
Treille. Non.
Pourquoi ?
Valentine.
Je ne sais pas. Je pensais que, peut-être
Treille. Tu
te trompais.
Valentine.
Je te fais mes excuses.
Treille. Il
ny a pas de quoi.
Valentine.
En somme, on peut se quitter faute de pouvoir sentendre et conserver pourtant de lestime lun pour lautre.
Treille. Cest
évident ;
Valentine.
Nest-ce pas ?
Treille. Sans doute.
Valentine.
Alors cest bien entendu ?
Treille. Quoi ?
Valentine.
Tu nas rien à me dire ?
Treille. Rien
du tout.
Valentine.
Eh bien, adieu.
Treille. Eh
bien, adieu.
Georges Courteline, La Paix chez soi.